Hommage de Jean-Michel Fourcade à Claude-Marie Dupin, notre amie et collègue

….Lorsque j’ai été chargé du cours sur les Psychothérapie Humanistes au Master 2 de psychologie clinique de l’Université PARIS 8, je lui ai demandé de venir enseigner avec moi ce qui concernait particulièrement l’Analyse transactionnelle. Dans ce cours, j’étais présent avec le collègue que j’invitais, lequel exposait la théorie mais proposait aussi des moments de pratique aux étudiants volontaires devant l’ensemble des étudiants. J’ai vu alors combien Claude Marie était un excellente enseignante et, dans les moments expérientiels, une grande thérapeute. L’Analyse transactionnelle était une de ses expertises. Mais dans les discussions théoriques et dans sa pratique de thérapeute, elle était fondamentalement « intégrative ». Je n’ai pas été surpris qu’elle accepte d’être membre d’honneur de la Société Française de Psychanalyse Intégrative créée en 2011. Claude Marie était aussi un personne fine, sensible, aimant rire, pleine de compassion pour la souffrance mais aussi pleine de sagesse dans la façon dont elle accompagnait ses étudiants et ses patients. Permettez-moi de vous lire un mail parmi les dizaines que nous avons reçus des étudiants de la NFL après que nous ayons annoncé son décès : « Ayant eu la chance de travailler avec Claude-Marie, je suis attristée par cette nouvelle. Elle illustrait bien les qualités nécessaires à ce sacerdoce de l’aide à autrui et enrichissait la NFL de son expérience, de son sens de l’humour, de sa finesse d’analyse et de sa grande gentillesse. Elle va me manquer ». Claude Marie était aussi somptueusement modeste. Dans nos échanges sur la situation légale de la psychothérapie, elle avait une analyse lucide des rapports de force entre les professions du champ psy. Nous aussi avons souvent ri ensemble des maladies du pouvoir dans les institutions et chez certains de nos collègues, ce dont elle n’était pas dupe et parlait avec un gentil humour. Je l’ai rencontré pour la dernière fois le 15 août à l’hôpital Georges Pompidou. Nous avons parlé de nous et évoqué notre jeunesse et l’enthousiasme que nous vivions dans nos thérapies et notre formation de futurs thérapeutes. Claude Marie a évoqué un moment dont elle m’avait parlé déjà : elle était à La Jolla en formation chez Carl Rogers ; au cours d’un des travaux en sous-groupe, deux hommes se sont agressés jusqu’à, à un moment, se battre physiquement sauvagement. Le lendemain matin, l’altercation était discutée en réunion plénière ; Carl Rogers qui n’était pas dans le sous-groupe la veille, restait à l’écart ; lorsque les stagiaires se sont tournés vers lui, ils ont vu que Rogers sanglotait et après un long moment, quand ils lui ont demandé : que faire en tant que thérapeute dans une telle situation ? Rogers a répondu : montrez ce que vous ressentez et parlez, parlez ! Claude Marie disait qu’elle avait appris quelque chose de fondamental par cette réponse : la limite du pouvoir et des forces du thérapeute face à la destruction, mais aussi que de l’accepter nous rend plus sage et plus fort dans notre travail pour assumer la souffrance et aussi donner la place à la joie et à la vie. Par ce qu’elle a été avec nous, Claude Marie nous a donné cet exemple. J’admirais ses qualités de thérapeute et ses qualités humaines, et comment les unes fortifiaient les autres. Ceux qui l’ont approchée disent qu’elle reste pour eux un modèle qui les aide à être meilleurs. C’est mon cas. Jean-Michel Fourcade